du 03/01/2017 au 05/01/2017
3 janvier, jour 195 : Frontière Laotienne – Kon Tum (71 km)
Je passe la frontière sans problème ; pas besoin de visa pour les Français restant moins de 15 jours. En quelques minutes et en quelques centaines de mètres, le changement est impressionnant. Le versant laotien était quasiment inhabité avec juste la jungle sur des dizaines de kilomètres, en passant au Vietnam, l’urbanisation est presque continue avec toujours des maisons et des commerces sur le bord de la route. Les montagnes alentours sont pour beaucoup déboisées.
Le silence et les chants d’oiseaux laissent place à l’agitation, aux bruits de moteurs et surtout aux klaxons. Car les Vietnamiens semblent avoir développé un métabolisme rendant l’usage du klaxon aussi indispensable… Que dis-je, aussi vital que la respiration ! Il ne suffit pas à un camion de dépasser un scooter comme partout ailleurs dans le Monde ; non, ici il faut casser les oreilles de la ville entière pour exhiber cet exploit. Je constate vite que le régime de priorité à une intersection n’est pas celui de céder le passage à droite ou à l’axe le plus important. Non il faut accélérer et surtout klaxonner comme un enragé. Mon hypothèse est que la priorité se décide suivant une formule mathématique complexe faisant intervenir la masse en tonnes, la vitesse élevée carré et l’intégrale de la puissance acoustique sur les 15 dernières secondes. Pour illustrer cette formule, en fin de matinée je passe devant une école et tous les enfants marchent et traversent la route pour rentrer chez eux. Les voitures et surtout les camions défilent à toute allure en klaxonnant sur des centaines de mètres. Je ne me sens pas en danger comme ça a pu être le cas dans d’autres pays mais ma santé mentale me commande de rouler oreilles bouchées.
La route alterne de petites montées suivies de descente avec assez peu de plat. C’est fatigant parce que les montées demandent des efforts pendant quelques minutes puis les descentes gâchent tous ces efforts en seulement une minute, et c’est comme ça une bonne partie de la journée. Et globalement le pays est bien plus agité et oppressant que le Laos. Je pouvais auparavant faire des pauses dans les inombrables cabanes en bois en paix et au calme alors qu’au Vietnam j’ai l’impression de ne pas pouvoir trouver de lieu propice aux pauses hormis les cafés et même dans les cafés, c’est un brouhaha incessant de bruits de moteurs, de télés ou de radios trop fortes… C’est vraiment épuisant quand on passe 10h par jour sur la route !
4 janvier, jour 196 : Kon Tum – Pleiku (82 km)
À la ville suivante, j’en profite pour acheter un nouveau smartphone en remplacement de celui brisé au Laos quelques jours plus tôt. Les prix ne sont pas différents de ce qu’on peut trouver en France sur Internet. De ce point de vue, il n’y a pas de quoi se plaindre.
Par contre lorsqu’il s’agit de trouver à manger un peu plus tard, en dehors de la ville, c’est une avalanche de déceptions. Des restaurateurs qui ne comprennent pas que je veux manger du riz (marre des soupes de nouilles), ils m’écoutent parler anglais puis essayer de dire « riz » en vietnamien, se tordent de rire avec le reste des clients et s’en vont sans revenir… D’autres restaurants sont ouverts mais ils sont vides et ne servent pas, logique. Une autre situation typique, c’est le restaurant avec écrit en énormes caractères « RIZ » mais qui ne fait que… de la soupe de nouilles. Déception ! C’était pareil quand je cherchais une carte SIM, entre les propositions aux prix exorbitants (17€ la SIM nue), l’offre que je veux qui n’est pas disponible (mais celle 2 fois plus chère l’est) et le vendeur qui décide qu’il ne peut pas me vendre la carte après avoir analysé scrupuleusement mon passeport, il y a de quoi enrager. Des choses simples partout ailleurs deviennent au Vietnam des missions demandant beaucoup d’efforts. Je finis donc par trouver du riz à manger dans un restaurant après une demi-heure de recherche. Je mange en vitesse parce que le restaurateur a décidé de me causer en vietnamien et de répéter ma réponse en anglais et de se tordre de rire avec le reste des clients. Un peu l’impression qu’on se fiche de moi 🙂
Je continue d’avancer vers le sud. Je quitte la route principale pour trouver un lieu où camper, ça sera au bas de la vallée au bord des rizières. Les riverains me voient préparer le terrain et un homme décide d’installer ma tente : je n’ai pas vraiment le choix parce qu’il commence de lui-même par planter les piquets au hasard alors autant lui dire quoi faire pour que la tente soit bien installée.
Bien après la tombée de la nuit, alors que je termine mon repas, des policiers lointent le bout de leur uniforme. J’ai sans doute été dénoncé parce qu’à part inspecter le niveau de l’eau dans les rizières, ce qui je crois n’est pas dans les attributions de la police même au Vietnam, ils n’avaient pas de raisons de passer dans le coin et j’étais caché par des buissons. J’essaie de parlementer, de dire que ça ne gêne personne, que je décamperai le lendemain avant le lever du soleil, que je n’ai pas les moyens d’aller à l’hôtel. Mais non, la loi est, parait-il, inflexible : il est interdit de camper. Ma comédie du voyageur sans le sou avec même pas 10$ en poche obligé de manger du riz et de l’ognon marche bien parce qu’ils se démènent pour le trouver un hôtel qui veut bien de moi gratuitement. Et le pire c’est qu’ils y arrivent ! Scène surréaliste alors de 4 policiers en uniforme qui m’éclairent pendant que je range mes affaires pendant une bonne demi-heure puis qui m’escortent jusqu’à l’hôtel à 6 kilomètres de là, en n’hésitant pas à descendre et me pousser sur le vélo dans les cotes ! Je finis donc ma soirée dans une chambre d’hôtel sans avoir déboursé un centime. Je dois vraiment donner l’image du voyageur démuni parce que la gérante est même prête à m’offrir le diner et à me donner de l’argent…
5 janvier, jour 197 : Pleiku – Frontière Cambodgienne (73 km)
Je quitte mes hôtes après un long et copieux petit-déjeuner. J’y pensais la veille, je me décide en cette matinée : j’écourte mon périple au Vietnam et me rend au Cambodge. Les deux jours déjà passés dans le pays ont été trop désagréables pour vouloir poursuivre l’expérience. Il y a tant de pays sur ma route que ce n’est pas une grande perte, ça me laissera même plus de temps mpur profiter de destinations plus accueillantes. Ça tombe bien, la route vers le poste frontière croise ma route dès le début de matinée.
Elle commence par une très longue descente me faisant passer de 800 à 400 mètres d’altitude dans la matinée. Je roulais précédemment sur la route AH17 qui traverse le pays du nord au sud, elle était logiquement fréquentée. Maintenant je roule vers l’ouest sur une route plus calme mais ça ne bouleverse pas mon ressenti. Il n’y a plus cette espèce de « tunnel » fait d’un défilement quasi continu de maisons ou de commerces le long de la route sur des centaines de kilomètres. Ça cache toute vue sur les alentours et dissuade d’aller prendre une route adjacente. Maintenant je vois enfin des terrains, des champs ou de la forêt.
Je parviens tout près de la frontière en fin de journée mais comme d’habitude j’attends la veille pour traverser. On ne sait jamais les complications qui peuvent se produire et ça serait compliqué de reprendre la route et la recherche d’un terrain pour dormir après le coucher du soleil. Je trouve justement un terrain proche de la route mais abrité derrière une butte.
Ayant un peu de temps et du bois sec à disposition, je tente d’allumer un feu avec une pierre à feu. C’est un minéral qui, s’il est gratté avec une pièce en métal, crée une gerbe d’étincelles, comme pour les briquets. C’est quand-même plus sympa d’allumer un feu à la dure qu’avec des allumettes ! Eh bien grâce à la qualité du combustible, des herbes sèches et du bois mort, je réussis à allumer le feu en seulement deux coups de pierre \o/. Prochaine étape essayer d’allumer un feu juste en frottant deux morceaux de bois ?
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